Alphonse Allais, les sardines de la Manche et le café soluble…


Alphonse Allais, que le démon de l'invention habitait, tout comme son ami Charles Cros, a, dans nombre de ses nouvelles, créé des inventions absurdes, délirantes, avec un imperturbable sérieux et un ton enthousiaste qui parodie le journalisme scientifique et technique des dernières années du XIXe siècle.
Il propose ainsi de réaliser un pont flottant sur des pontons réalisés en vieilles boîtes de sardines, car les restes d'huile adhérant aux boîtes permettront de garantir la sécurité de l'ouvrage en aplanissant les pires tempêtes par la technique du filage de l'huile, bien connue des marins…
Il reste de lui l'image d'un homme à l'humour acide et un spécialiste de la théorie de l'absurde, mais il est aussi l'auteur, moins connu, de travaux scientifiques : recherches sur la photographie couleur, dépôt d'un brevet pour le café lyophilisé, travaux très poussés sur la synthèse du caoutchouc. C'est en effet Alphonse Allais, qui a découvert, dès 1881, le café soluble lyophilisé dont il a déposé le brevet le 7 mars 1881 sous le numéro no 14152010, bien avant donc que Nestlé, grâce à son chimiste alimentaire Max Morgenthaler (de), le reprenne en 1935 et lance le Nescafé11.
Un artiste d'avant-garde…
Alphonse Allais est l'auteur de certaines des premières peintures monochromes : inspiré par le tableau entièrement noir de son ami Paul Bilhaud, intitulé Combat de nègres dans un tunnel, présenté en 1882 au salon des Arts incohérents (qu'il reproduira avec un titre légèrement différent), il présente aux éditions suivantes de ce Salon ses monochromes, dont par exemple Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la mer Rouge (1884), ou encore Première communion de jeunes filles chlorotiques par temps de neige (1883), qui précèdent d'une génération le Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch.
Il est aussi, bien avant John Cage ou Erwin Schulhoff, mais sans jamais se prendre au sérieux, l'auteur de la première composition musicale minimaliste : sa Marche funèbre composée pour les funérailles d'un grand homme sourd, est une page de composition vierge, parce que « les grandes douleurs sont muettes ».

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