Toutes les sardines ne se ressemblent pas. Elles ne sont pas uniformément argentées. Elles possèdent souvent une légère rangée de taches noires, à l'arrière de la tête et le long du flanc. Ce sont ces infimes taches qui constituent des indices qui leur permettent de repérer entre elles plus facilement afin d'organiser leur nage.
"Simplement en regardant ses plus proches voisines, à l'écoute des courants d'eau générés par leur progression, la sardine adapte son allure. Sans qu'il n'y ait besoin de chef d'orchestre ou d'ordres d'ensemble, par de simples interactions entre voisines, le banc tout entier s'auto-organise. Ainsi des millions de sardines nagent, automatiquement alignées ou en quinconce, parfaitement synchronisées. Leur mouvement d'ensemble crée un ballet aquatique aux formes changeantes et délicatement complexes. Une myriade de poissons, aussi nombreux que la population d'un pays, se déplace comme un seul être, capable de prendre des décisions, à l'unisson, sans la moindre discussion.
S'il arrive un prédateur, le banc ruse, se scinde en deux en une fontaine mouvante pour déconcerter l'attaquant.
Si des copérodes, proies planctoniques des sardines, passent dans les parages, le banc choisit sa stratégie de manière optimale, pour nourrir chacun de ses membres. Il peut décider de se désorganiser afin de laisser chaque sardine profiter individuellement de l'aubaine, ou, au contraire, d'avancer en rangs, pour dévorer les proies avec une efficacité systématique.
Une intelligence collective émerge de la somme des petites actions conjuguées de chaque sardine. C'est une formidable forme de démocratie : sans avoir de chef ni de groupe dominant, sans recevoir d'ordres, toutes les sardines du banc s'accordent à nager ensemble, même lorsque leurs bancs mesurent plusieurs dizaines de kilomètres de long."
Les recherches les plus récentes ont spécifiquement porté sur ce qui fut longtemps une énigme. Comment envisager qu'un groupe d'individus puisse se gouverner sans autorité ? Les modèles de la ruche ou de la fourmilière influençaient les chercheurs. Une ouvrière de conserverie ayant passé près de cinquante ans aux sardines m'a un jour affirmé que de toute sa carrière elle n'avait vu qu'une seule fois une "meneuse" qu'elle m'a décrit comme possédant deux longues antennes sur les ouies. Son observation avait été confirmée par une ouvrière plus ancienne encore qui en avait déjà vu une… "D'habitude elles sont malines et réussissent à s'échapper du filet !" a-t-elle ajouté !
Du modèle autocratique à celui de la démocratie participative, on ne peut s'empêcher de constater que nos représentations de la gouvernance sociale influencent nos perceptions du monde animal…
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