Conserverie. Chez Chancerelle, ça déménage !
Marie-France Le Moan fait partie de ces générations d'ouvrières douarnenistes qui ont fait la réputation des sardines en boîte de la cité Penn sardin.
Fondée il y a 162 ans à Douarnenez, la maison Chancerelle est la plus ancienne conserverie de sardines encore en activité au monde. Elle était la dernière des usines de poisson encore en activité sur le port. Mais, hier, une page de son histoire s'est tournée...
En 1905, on les appelait les « Fritures ». Elles étaient une vingtaine le long des quais. En 1956, on en comptait plus que seize. Puis dix en 1961.
Une mutation préparée de longue date
Aujourd'hui, elles ne sont plus que deux à mettre du poisson en boîte dans la cité Penn Sardin : Paulet-Petit Navire, installée zone industrielle de Pouldavid et Wenceslas Chancerelle, qui vient de quitter les 3.800 m² au sol de son berceau du port de pêche pour rejoindre la zone industrielle de Lannugat. Dans son habit rouge et or reconnaissable, c'est à 18 h 30, vendredi, qu'a été sertie, dans l'usine du port, la toute dernière boite de sardines à l'huile « Connétable », marque phare de la conserverie. Annoncé il y a deux ans et préparé depuis presque dix ans, l'abandon définitif de ce site historique est effectif depuis hier. Entre 1996 et 2003, les activités de la conserverie ont peu à peu migré dans la zone de Lannugat, sur 9.500 m² (conditionnement, stockage, expédition, bureaux, chambre froide...). Sa voisine n'est autre que la Cobreco, leader sur le marché français de la conserve de Saint-Jacques et de thon. Fusion de deux autres célèbres conserveries du port de Douarnenez - Jacq et Gourlaouen -, la Cobreco s'est établie à Lannugat en 1986. En 2013, Chancerelle a racheté la Cobreco. Avec la fermeture de cette dernière usine du port, c'est une page de l'histoire de Douarnenez qui se tourne. Même si une partie des approvisionnements en sardines, maquereaux et thon continue de se faire via le port du Rosmeur, il n'y a plus de nécessité à être près des quais.
Produire plus en préservant la qualité
Guerre des prix, approvisionnements de plus en plus difficiles, consommateurs exigeants... « Pour relever le défi d'une concurrence devenue mondiale, tout en répondant aux nouvelles normes européennes, nous devions nous agrandir. Il nous fallait produire plus en préservant ce qui fait notre force, la qualité, le savoir-faire haut de gamme. Pour cela, il fallait quitter le centre-ville, où nous n'avions pas de possibilité d'extension », rappelle Jean-François Hug, P-DG de Chancerelle, indiquant que le chiffre d'affaires prévisionnel pour 2015 s'établit à 180 M€. « Deux fois plus qu'en 2009 et sept fois plus qu'en 1996 ».
Pincement au coeur
Sur les 500 employés que compte l'entreprise, quelque 300 ouvrières se sont retrouvées une dernière fois dans leur usine, samedi soir, autour d'un repas. « Vous avez le coeur serré, vous êtes attachées à ce site, vous y avez beaucoup de souvenirs », a souligné Jean-François Hug, tenant à rendre hommage à ces générations de femmes entrées jeunes dans l'usine et ressorties grands-mères, gardiennes de ce savoir-faire « à l'ancienne » qui fait la réputation de la maison. Comme Marie-France Le Moan, entrée chez Chancerelle il y a quarante ans, après avoir fait son apprentissage chez Audren, une usine sur le Port-Rhu, transformée aujourd'hui en appartements près de la MJC. « J'ai commencé par être femme de table, puis je suis devenue sertisseuse, puis contrôleuse. J'aime tout dans mon métier ! assure-t-elle. Surtout le travail d'équipe. Les anciennes apprennent aux nouvelles... J'ai un pincement au coeur de partir d'ici. Mais j'ai confiance dans la famille Chancerelle... ». « Nous
conservons nos procédés de fabrication à l'identique, vos conditions de travail seront plus agréables et il n'y aura pas d'économies d'effectifs », a promis le patron.
in Le Télégramme, 3 mars 2015 à 08h09 / Marie-Line Quéau /
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