Paul Larzul, ex patron de Capitaine Cook, raconte son épopée
Son père Paul Larzul a acheté la conserverie de Clohars-Carnoët (Finistère), lui a poursuivi son développement, avant de la vendre. Tous deux ont reçu le même prénom. À 82 ans, le fils accepte de se raconter.
Sur les murs, des tableaux récitent la mer et les bateaux. Des bécasses empaillées pendent, pattes fines et liées. Sur une photo, Gérard d'Aboville, pionnier de la navigation à la rame en 1980, prend la pose. Une image en noir et blanc. Un sourire accompagné d'une signature : « A Paul Larzul, l'artisan de la victoire. » Le compagnon de l'explorateur, ancien mécène, assorti la déco de quelques mots : « Ah ça, j'en suis fier. J'étais son sponsor, à l'époque. »
Dans ce bureau donnant sur le rivage Atlantique, le retraité « passe des heures, à regarder le paysage ». Domicilié sur la commune voisine, Paul Larzul vient deux fois par jour, dans cette habitation familiale de Clohars-Carnoët (Finistère). « Regardez ces photos, on dirait les Antilles, non ? » D'une solide armoire, il sort un album plein de couchers de l'astre, stoppé par un Minolta dans sa course vers l'horizon.
Construite en pierre de taille, sa maison raconte un pan de l'histoire locale. Elle colle aux flancs de l'ancienne conserverie, dont la longue façade blanche se remarque à Doëlan rive gauche. Et qui devrait être remplacée par un futur pôle « mer et tourisme ». Depuis le démarrage des travaux de démolition de l'usine, au début du mois, le sort de l'habitation est en suspens. « Le maire (socialiste Jacques Juloux, NDLR.) est venu me voir, pour me dire qu'elle ne serait pas expropriée. » C'est ici que les trois filles de Paul ont grandi. « Je me battrai comme un chiffonnier », prévient cet ancien timide devenu bavard.
« Une conséquence de mon père »
Quant à la disparition de l'ancienne bâtisse employant « environ soixante-dix femmes de Clohars, Moëlan et Guidel, et sept hommes : chauffeur, autoclaviste, manutentionnaire », dans les années 1970, l'ancien patron affiche un discours fataliste : « On s'y fait. On ne pouvait pas laisser les bâtiments dans cet état. » Un ancien cadre resté ami partage le point de vue : « C'est une ruine. Il faut tourner la page. »
Dans la famille Larzul, le premier à mettre les produits de la mer en boîte fut son grand-père, Noël. Son père et son oncle se sont associés à Plozévet, au seuil des années 1930, « puis mon père a eu l'opportunité de racheter l'usine de Doëlan, en 1946 ». Elle s'appelait la Société industrielle du poisson (Sip). « C'était un ramassis de bâtiments, sans queue ni tête », raconte celui qui n'avait que 17 ans.
Moëlan, Scaër, Étel, l'Oise et l'Hérault... Le développement dépasse les frontières du département. La SARL La Doëlanaise devient Capitaine-Cook et Paul, passé à la tête des usines, fait fructifier la marque. Il vendra la conserverie de Doëlan (thon et plats cuisinés), en 1988 : « On sentait bien qu'on allait se faire mitrailler par la grande distribution. Et j'allais avoir 60 ans... » Le groupe Intermarché, nouveau propriétaire, quittera les rivages et la cale qu'avait en partie financée son père. L'usine est aujourd'hui installée à l'entrée de la commune.
Paul s'épanche peu sur cette vie d'entrepreneur : « Je ne suis qu'une conséquence de mon père », estime-t-il. Plus tard, se laissant photographier, il lâche : « Ce n'est pas impunément qu'on travaille, pendant des décennies. J'estime avoir été payé en retour. » Aujourd'hui, l'homme continue à regarder la mer. Armand Pézennec, son ancien directeur technique, a gardé contact : « C'est quand même plutôt un terrien. Il aime le golf et la chasse. La bécasse, c'est son sport favori. »
Angélique CLERET Ouest-France - Jeudi 23 février 2012
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