La sardine en boîte est à l'honneur dans Le Monde du 19 novembre 2023.
C'est une fois de plus le paradoxe entre la réputation de "plat du pauvre" et le snobisme de la sardine millésimée qui est mis en valeur comme le montre l'extrait suivant issu de l'article ci-dessous référencé.
(J'ai le plaisir de voir le mot "puxisardinophile" que j'ai inventé il y a bien longtemps se retrouver dans un journal de référence… ce qui présume son entrée prochaine au dictionnaire !!!)
"S’il existe une chose qui se mange sur cette terre, aussi saugrenue soit-elle, sachez qu’en vous aventurant sur le réseau social TikTok, vous tomberez forcément, tôt ou tard, sur une vidéo de quelqu’un se filmant en train de l’ingurgiter. L’autre jour, entre le visionnage d’une dégustation de rations de combat périmées (#militaryrations, des dizaines de milliers de vues) et celui d’un tutoriel pour fabriquer du fromage médiéval (@henry_le_magnifique, 1,1 million de vues), je faisais la découverte d’une énième curiosité culinaire. Le pouce rougi par les mouvements de va-et-vient sur l’écran de mon téléphone portable, je plongeais dans un monde tout aussi déroutant et fascinant – mais autrement plus réconfortant : celui des influenceurs de sardines en boîte.
Tout a commencé par un épisode de la série Tinned Fish Talk publié sur le compte de Mei (@daywithmei, 163 000 abonnés). Dans cette vidéo de 55 secondes, la tiktokeuse sino-américaine, spécialisée dans la recommandation de conserves de poisson (tinned fish, en anglais), s’attelle à l’ouverture d’une boîte d’œufs de sardine épicés de la marque portugaise Nuri. « C’est l’une des boîtes de conserve de la mer parmi les plus rares et les plus chères du monde, précise-t-elle en préambule. Il s’agit d’un produit saisonnier, disponible une fois par an à seulement 100 exemplaires. Je l’ai acheté directement à la conserverie pour 40 euros. »
L’objectif de la caméra passe en mode « point de vue » (POV) et son oeil devient le nôtre. Mei défait la boîte de son emballage papier comme on ouvrirait un cadeau précieux, puis coince la bague de l’opercule entre le pouce et l’index. Le couvercle s’enroule lentement sur lui-même avant de dévoiler une vingtaine de gonades brunes luisantes, enchevêtrées les unes sur les autres dans une marinade d’huile d’olive piquante. « Maintenant, place à la dégustation », s’exclame la fine gastronome en portant une première poche remplie de minuscules billes visqueuses à la bouche. Viennent les commentaires de dégustation : en premier, la texture du mets (« Semblable à celle d’une crème cuite : très fine et presque granuleuse ») et puis son goût et ses arômes (« Des notes poissonneuses très distinctes – et un peu de minéralité, quelque chose comme ce goût métallique et terreux que l’on retrouve dans le foie »). « Tous les goûts sont dans la nature et il me reste encore un nombre incommensurable de conserves à tester ! », annonce-t-elle enfin avec gourmandise à sa communauté.
Toujours sur TikTok, @thesardinfluencer régale son audience (6 800 abonnés) avec des vidéos façon unboxing (« ouverture de carton ») dans lesquelles il commente (et cuisine) le fruit de ses dernières trouvailles : ici, du saumon sauvage d’Alaska pêché à la ligne ; là, des harengs de la mer Baltique ; plus loin, de la chair de homard infusée au citron et à l’huile d’olive.
Paradis pour puxisardinophiles
Dans la vraie vie aussi, les cannettes de poisson ont la cote. En France, dans la patrie de Nicolas Appert (inventeur de la conserve et de la technique de l’appertisation, au XIXe siècle), l’engouement pour les sardines en boîte est à son paroxysme. A Paris, sur les tables chics de chez Lipp (6e), du Bœuf couronné (19e) ou plus récemment de Vive, maison mer (17e), les amateurs éclairés se délectent de sardines millésimées. Le raffinement tient dans le fait qu’après avoir passé plusieurs années enfermées dans leur caisson métallique, les chairs pélagiques s’imprègnent lentement des saveurs de la marinade dans laquelle elles baignent, et deviennent extrafondantes. Rares et luxueuses (comptez entre 12 euros et 16,50 euros, selon les adresses et les années), ces dernières sont servies dans de belles assiettes, avec les mêmes égards qu’un plat traditionnel." … /…
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