Tu mitonnes !
Une sardine for me formidable
Chaque semaine, passage en cuisine et réveil des papilles. Aujourd'hui, ode au petit poisson bleu aussi à l'aise sur le gril que sur la pissaladière.
Le premier homme qui nous a fait manger des sardines grillées entières, ni vidées, ni écaillées, ni ébarbées était un «dur» à cuire dans notre monde de minot. Sten, le grand Sten qu’il s’appelait. Pas loin du double mètre, la tête glabre et luisante comme une boule de billard, des pognes à boxer un essieu de 38 tonnes. La légende disait qu’il avait fait «l’Indo» mais nous, on préférait ses faits d’armes les soirs de bal monté quand il jouait les juges de paix pour séparer à coups de beigne les Yougos et les Arabes qui se mettaient sur la courge à coups de canettes. Il avait aussi remis d’équerre notre copain Dédé le gitan à grands coups de pompes dans le cul quand il avait mal parlé à la boulangère.
Citroën DS
Sten aimait les femmes, le pastis et les sardines. C’était son tiercé gagnant mais pas forcément dans cet ordre-là. On lui connaissait une régulière, élégante comme une Citroën DS des années 60. Elle avait sa flûte à champagne posée sur le zinc de Sten. Ils fumaient des Gitanes (elle avec filtre, les hommes c’était sans) en parlant à voix basse. Nous on se shootait avec le parfum de la dame que l’on identifia un siècle plus tard dans les allées des Galeries Lafayette : l’Heure bleue de Guerlain. La belle s’éclipsait à l’heure du 421, de l’apéro et des pastis tassés comme du flan parisien. Nous, on avait le droit à un diabolo en semaine. Le dimanche midi, c’était Orangina et sardines. Sten détestait les apôtres du septième jour : les «culs bénis» sortant de la messe et les «cocos» vendant l’Huma Dimanche. Il préférait sa «smala» comme il disait. Une bande d’apaches qui mangeait liquide toute en gobant ses poissons grillés. Ils avaient les yeux rouges comme des lapins russes, autant d’avoir trop soudé la semaine à l’usine que d’être accros au «jaune».A retrouver sur Liberation.fr ici
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