L'adieu aux sardinades ?
Et à la pizza aux anchois ? On s'inquiète, car depuis 2008 le stock de sardines et anchois s’effondre en Méditerranée.
En 2005, plus de 200.000 tonnes de sardines fréquentaient les eaux du plateau continental du golfe du Lyon. En 2011, le stock avait fondu à 45.000 tonnes avant de légèrement remonter à 70.000 tonnes en 2012 grâce à des mesures de préservation de la ressource. Les chalutiers sont notamment restés à quai pendant 35 jours en juin et juillet de l’an dernier. C’est un effondrement brutal auquel on assiste.
AMAIGRISSEMENT. « Le plus inquiétant, c’est que cette chute de biomasse n’est pas due à une baisse du nombre de poissons, mais à leur amaigrissement, s’inquiète Claire Saraux, chargée à l’Ifremer Sète du programme EcoPelGol (Ecologie des petits pélagiques du golfe du Lyon). On ne trouve plus d’individus de plus de trois ans (la sardine vit jusqu’à 7 ans) et ces poissons ne grossissent pas et restent inférieurs à la taille de commercialisation de 11 cm ». De quoi faire grise mine autour des barbecues de l’été.
Les pizzas aussi sont affectées par les bouleversements en cours. Les stocks d’anchois ont précédé les sardines avec une chute de 100.000 tonnes en 2000 à 35.000 tonnes en 2003. L’espèce reste stable depuis dix ans mais rien n’indique qu’elle va retrouver ses niveaux précédents.
SPRATS. En parallèle, les halieutes constatent une spectaculaire explosion de sprats, espèce qui passe de 5000 tonnes en 2007 à 80.000 tonnes en 2012. Ce n’est même pas une bonne nouvelle. Si le sprat de l’Atlantique est bien vendu sur les marchés, ce n’est pas le cas de celui de Méditerranée qui est bien trop petit pour être consommé.
En réaction à la nouvelle situation, l’âge de reproduction est en baisse chez les sardines
Qu’est ce qui se passe? L’Ifremer qui évalue les stocks chaque mois de juillet depuis 1993, ne peut aujourd’hui qu’émettre des hypothèses à partir de l’examen des poissons: «on constate que ces poissons gras ne stockent plus les lipides dans leurs muscles», déplore Claire Saraux.
AUTOPSIES
Pour en avoir le cœur net, des poissons vont être autopsiés cet été pour la première fois afin de connaître leur régime alimentaire à partir de leur contenu stomacal. Ces données seront croisées avec les recensements des espèces de planctons de Méditerranée dont se repaissent ces poissons. L’explosion du nombre de sprats pourrait ainsi s’expliquer par le fait que cette espèce a un régime alimentaire très généraliste.
En attendant, les sardines sont vraisemblablement en train de s’adapter à un stress majeur. Les chercheurs constatent en effet que l’âge de reproduction est en baisse et s’établit aujourd’hui autour de la première année de vie et le nombre de femelles devient plus important que celui des mâles.
MERLAN. La pêche du golfe du Lyon prend de plein fouet ces bouleversements. En 2008, les chalutiers naviguant entre Port Vendres et Marseille avaient débarqué 22.000 tonnes de poissons dont 31% de sardines et 18% d’anchois. L’an dernier, seulement 600 tonnes de sardines ont été débarquées et encore principalement par les pêcheurs côtiers au lamparo, les chalutiers ne pouvant payer leur consommation de gazole avec leur prises. Ils ont alors tendance à aller chercher des espèces de fonds comme le merlan. Lequel est aujourd’hui trop exploité.
Pour éviter qu’aux raisons environnementales ne s’ajoutent des raisons de surpêche, les chalutiers sont donc interdits de sortie. Cette année, ils ne reprendront la mer que le 12 juillet après 20 jours d’interruption. Les «plans de sortie de flotte » sont encore plus radicaux. En 2011, 12 chalutiers ont été mis au rebut, et 10 en 2012. Il ne reste plus que 80 bateaux sur le secteur du golfe du Lyon.
ATLANTIQUE. Et en Atlantique ? La campagne Pelgas de l’Ifremer vient de se terminer. Les chalutages scientifiques permettent d’estimer des stocks aux sorts très différents. Comme en Méditerranée, l’anchois du Golfe de Gascogne ne se porte pas très bien. Après s’être effondré de 200.000 tonnes à moins de 20.000 tonnes entre 2000 et 2005, l’anchois remonte petit à petit la pente avec près de 93 000 tonnes évaluées cet été 2013. Il n’y a encore aucune explication scientifique viable à cet effondrement subit. Les causes environnementales (baisse du plancton, température et salinité de l’eau) sont suspectées. En revanche, tout va bien pour la sardine dont le stock est supérieur à 400.000 tonnes.
Loïc Chauveau, Sciences et Avenir, 13/07/13
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire