On les croyait dépourvues de toute lueur d’intelligence. Et pourtant, un nombre surprenant d’espèces dites primitives du règne animal sont dotées de facultés cognitives relevant d’une certaine forme d’intelligence, selon des recherches en éthologie animale. Tour d’horizon.
« Il existe une diversité d’intelligence dans le monde animal. Il ne faut pas mesurer l’intelligence des animaux comme on mesure l’intelligence humaine », fait valoir d’entrée de jeu Loïc Bollache, chercheur en écologie comportementale au Laboratoire de chrono-environnement du CNRS, à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, en France.…/…
L’intelligence collective
Quel spectacle impressionnant que celui d’un banc de sardines, dans lequel un million de ces petits poissons filent à vive allure dans un mouvement parfaitement coordonné, et ce, sans qu’à aucun moment un individu en heurte un autre ! « Alors qu’un million de voitures sur l’autoroute, ce seraitl’horreur ! » dit M. Bollache.
Ces comportements extraordinaires ont beaucoup stimulé les chercheurs en éthologie ainsi que ceux en robotique qui conçoivent des minirobots. En cherchant à comprendre quelles étaient les règles de décision pour pouvoir se déplacer dans un groupe sans faire d’erreurs, ces scientifiques ont remarqué que chaque individu du groupe, en l’occurrence chaque sardine, n’applique que deux ou trois règles.
Une première règle rappelle à la sardine de ne pas s’éloigner à plus de 10 cm de ses voisines. Une deuxième règle prescrit de ne pas s’approcher à moins de 10 cm de ses congénères immédiats. « Ces deux règles suffisent pour éviter toute collision. Mais les chercheurs ont également noté que ce ne sont pas tous les individus qui se déplacent d’un coup. Il y a un mouvement qui est amorcé par certains individus et qui se diffuse à l’ensemble du groupe. Cela vient du fait qu’une autre règle de décision consiste, pour les sardines, à imiter en permanence le mouvement moyen des individus (huit généralement) qui les entourent. Quand vous faites ça, vous avez un groupe qui bouge tout le temps et qui est parfaitement coordonné. C’est ce qu’on appelle de l’intelligence collective », explique M. Bollache.
« Nous, humains, on s’attend à ce qu’il y ait un chef qui nous dise detourner à gauche ou à droite, mais chez les sardines, personne ne commande. L’ensemble du mouvement collectif se crée par le simple fait que chaque individu imite ceux qui sont à côté de lui. On ne sait pas qui lance le mouvement, c’est probablement le hasard. Si un prédateur apparaît en marge du banc de sardines, par exemple, celles qui aperçoivent le prédateur seront effrayées et feront un léger mouvement, qui se transmettra à tout le groupe, et tout ça se passe en l’espace de quelques millisecondes. Mais à aucun moment quelqu’un ne dit : attention, il y a un requin, on part à gauche », explique le chercheur.
Cette intelligence collective observée chez les poissons et les oiseaux est utilisée en intelligence artificielle pour savoir comment connecter les voitures dans le but de nous permettre de lire ou de dormir pendant que notre voiture nous conduit à la destination que l’on désire, sans provoquer d’accidents ni de bouchons. « Il faut que l’ordinateur de la voiture possède quelques règles de décision, comme une sardine, qui lui permettront de réguler sa vitesse en fonction du trafic, explique-t-il. Avec de telles règles, il n’y aura jamais d’accident, parce que ce sera impossible pour la voiture de heurter une autre voiture, à moins d’être percutée par un ours ! On cherche ainsi à imiter des comportements observés dans la nature qui sont beaucoup plus efficaces que les nôtres, car nous, humains, avons une intelligence individuelle. Dès qu’on va nous demander d’avoir une intelligence collective, il y aura toujours des individus qui voudront aller plus vite que les autres, qui voudront les doubler, et cela créera des bouchons ! »
Pauline Gravel
in : https://www.ledevoir.com/societe/science/592032/des-animaux-pas-si-betes
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