La collection Saint-Roch à Bourges

Guy de St-Roch, la solitude du clupéidophile (collectionneur de boîtes de sardines vides)
Guy de Saint-Roch et une petite partie de sa collection, chez lui à Bourges. © Pierrick DELOBELLE

Friand des petits poissons bleus, ce retraité berruyer s’est mis à en collectionner, une fois vidées, les boîtes « remarquables ». Sensible à leurs lettrages, leurs couleurs, leurs illustrations, il en a réuni plus de 300 en l’espace de cinq ans, qu’il expose chez lui en des motifs chatoyants. Sa collection vit et embellit son quotidien. Mais sur ce créneau très pointu de la clupéidophilie, Guy de Saint-Roch, à sa connaissance, est tout seul…

À quoi tient, comment naît une collection ? D’un séjour à Paris, Mme de Saint-Roch ramena à son mari une jolie boîte de sardines dénichée dans une épicerie fine du très chic VIIe arrondissement. « J’adore les sardines, explique l’heureux mari. Je me suis régalé, mais je n’arrivais pas à jeter cette boîte magnifique… »

Guy de Saint-Roch a bien nettoyé l’objet, « eau bouillante, puis un peu de bicarbonate de soude, rien de mieux pour le fer-blanc, ça ne bouge plus ». Puis s’est mis, par curiosité autant que par gourmandise, à en chercher d’autres. « Au début, je gardais tout, même les boîtes ordinaires, les plus banales, se souvient-il. Mais c’était excessif. Bien vite, je me suis limité aux plus belles : celles ornées de dessins, de photos parfois, et même d’œuvres d’art ! »

Dans son bel appartement du centre-ville de Bourges, Guy de Saint-Roch a vite rassemblé dix, douze, vingt boîtes de sardines vides, mais surtout « remarquables », « exceptionnelles », dit-il avec une flamme dans le regard.

Il écume épiceries fines et poissonneries des ports

« Partout où je passe, je cherche désormais les épiceries fines. Surtout dans les ports, bien entendu, où souvent les poissonneries en vendent aussi. Et parfois sous des marques qu’on ne trouve pas ailleurs. Et là, je fonce ! », avoue ce clupéidophile (*) de plus en plus averti.

Dévoré par sa passion, ce retraité volontiers bourlingueur a tant et si bien nourri sa collection qu’il se retrouve aujourd’hui à la tête de 342 boîtes d’exception.

« Pour le simple plaisir de l’œil »

« Je ne conçois pas de les enfermer dans un placard, dans des tiroirs ou même de les classer dans des boîtes à boîtes, précise-t-il. Comme je les trouve jolies, j’aime les regarder, pour ce qu’elles évoquent et pour le simple plaisir de l’œil. »
Notre clupéidophile a donc commencé à les exposer sur le pourtour de ses fenêtres. Puis sur des pans de murs, sur les murs et les panneaux d’un vieil escalier. « La plupart sont très colorées. Je peux donc les ordonner en motifs qui se répondent, un peu comme les couleurs d’un tableau… »

Toutes les façons d’accommoder les sardines sont représentées : à l’huile, comme autrefois les sardines de ménage, mais aussi à la catalane, à la tomate, à la tapenade, à une infinie variété d’épices. Parcourir la collection fait venir l’eau à la bouche.

Bateaux de pêche et Bardot à Saint-Tropez

De nombreuses boîtes sont décorées de bateaux de pêche de jadis, toutes voiles dehors, de chalutiers, de modestes barques. D’autres s’ornent de photos anciennes de ports, de criées, de retour de marée. D’autres encore portent des motifs artistiques, des portraits, de petits dessins souvent naïfs. Des sardines « à la méridionale » sont illustrées par une partie de pétanque « à la Dubout ». Pour promouvoir une recette tropézienne, une Brigitte Bardot des grandes années vampe les consommateurs médusés sur les terrasses du port légendaire.

« C’est tout un univers »

« Il m’en arrive d’un peu partout, se réjouit le collectionneur. Des amis m’en ramènent de l’étranger, de Pologne, de Tunisie. Au Portugal par contre, j’ai été déçu : les boîtes sont nues, mais vendues dans des étuis de carton tout juste décorés. Rien pour moi ! »

Un jour, un correspondant de Vendôme a offert « cinq belles boîtes d’un coup » à Guy de Saint-Roch. Spontanément, un épicier de son quartier lui en a ramené une, assez rare, de chez lui, au Maroc.

« C’est tout un univers, assure-t-il. J’ai découvert par exemple que des marques de prestige éditent des sardines millésimées. D’autres peuvent afficher votre photo sur la boîte : j’ai celle de mon épouse et la mienne… »

Dans la jungle des collections, il a trouvé son cap et il s’y tient. Chaque jour, il jette ses filets. Avec, parfois, un petit pincement au cœur. « Les collectionneurs de boîtes pleines sont nombreux, soupire-t-il. Mais ceux comme moi de boîtes vides… En cinq ans de collection, je n’ai encore rencontré personne avec qui échanger mes pièces en double ! » 

Emmanuel Letreulle

Photos Pierrick Delobelle

(*) La clupéidophilie rassemble les collectionneurs de boîtes de sardines vides. Pour les boîtes pleines, on parle de puxisardinophilie.*

Note sur la note : Alors ça c'est nouveau ! Petit rappel destiné aux puristes. Les sardines appartiennent à la vaste famille des clupéidés dans laquelle on trouve, hormis la sardine, le tarpon par exemple, de la taille parfois d'un thon rouge. Le terme de clupéidophile ne convient donc pas aux collectionneurs de sardines en boîtes, ni vides ni pleines. Le terme de puxisardinophile, reprend la racine grecque puxis (qui nous a donné boîte et box) associée à sardo, mot international qui désigne notre sardina pilchardus autant que toutes ses variantes… C'est donc le seul terme qui convient à la famille (internationale) des collectionneurs de boîtes de sardines à laquelle appartient Mr de Saint-Roch.

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